Mourad Boudjellal pointe du doigt le fonctionnement de la FFR

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Très souvent pointé du doigt, les problèmes entre les clubs et la FFR continue de faire débat. Et Mourad Boudjellal a décidé de jeter un pavé dans la marre en revenant sur tous ces points bloquants et d’envisager quelques solutions

 

Voici un très long interview de Boudjellal sur le sujet pour Le Monde:

 

La raison invoquée après la défaite est l’impréparation physique et les cadences infernales imposées aux internationaux…

« On est arrivé au bout du système. A Toulon, j’ai quatre joueurs chez les Bleus, un au Pays de Galles et deux en Géorgie [qui dispute le Tournoi B]. J’ai donc 50 % de mon effectif titulaire qui me fait défaut. Il y a quinze ans, le rugby était amateur : les joueurs n’étaient pas payés et une cape internationale était une récompense. Aujourd’hui, le rugby est professionnel et un international coûte très cher à son club : entre 700 000 et 800 000 euros de salaire brut annuel. Il faut rajouter la prise en charge de son environnement (des entraîneurs de haut niveau, un staff médical, des préparateurs physiques…), des coéquipiers pas trop mauvais car si on le fait jouer avec des trompettes, il va s’emmerder… Et la Fédération française de rugby décide, unilatéralement, de suspendre le contrat de travail du joueur qui le lie au club pour le sélectionner en équipe nationale ! »

 

Mais les clubs sont indemnisés ?

« Oui, tout à fait. 500 euros par jour et par joueur. C’est totalement ridicule. Vous croyez qu’avec 500 euros par jour je vais pouvoir remplacer mon international par un joueur sensiblement du même niveau ? Et pour cette somme, la FFR vous dessaisit de votre contrat de travail durant les périodes internationales et souhaite, par-dessus le marché, que les joueurs observent une période de repos quand ils reviennent en club. La FFR veut qu’on paye les joueurs mais qu’ils restent à leur disposition. Economiquement, c’est impensable ! Un club de Top 14, c’est une entreprise. La performance est indispensable à son développement. Il y a des emplois en jeu. Il faut que la FFR en tienne compte. On n’est plus dans un système associatif ! Si la FFR s’acquitte de 100 % de la rémunération du joueur quand celui-ci est mis à disposition du XV de France, j’admets qu’elle puisse participer à la gestion du calendrier du joueur. Mais là, on paye un salarié et on ne peut pas l’avoir. C’est aberrant. »

 

Pourriez-vous porter ce dossier devant un tribunal civil pour faire valoir vos droits ?

« Je ne peux pas non plus être de toutes les guerres. J’ai eu un joueur important suspendu pour la dernière finale du Top 14 contre Toulouse [le pilier All Black Carl Hayman]. Nous avons fait appel de cette décision qui nous paraissait scandaleuse. Un type de la FFR m’a dit : « Vous avez le droit pour vous. Mais il ne jouera pas. » C’est un Etat dans l’Etat. Ils font ce qu’ils veulent. »

 

Une indemnité compensatrice substantielle versée aux clubs réglerait-elle le problème ?

« Une majeure partie, oui. En Angleterre, la fédération dédommage les clubs à hauteur de 200 000 euros par international et par an. Si, demain, les clubs sont indemnisés à leur juste valeur, on pourra remplacer nos internationaux lors de leurs absences et leur aménager un emploi du temps idéal. Il faut que l’on discute. La renégociation de la convention qui lie la Ligue [dont dépendent les clubs] et la FFR [qui gère l’équipe de France] est en cours. Mais je suis pessimiste. Ce qui serait bien déjà, c’est que la fédération arrête de dire que si les Bleus perdent, c’est à cause du Top 14. »

 

Trouver un terrain d’entente est-il néanmoins possible ?

« Je ne m’entends pas trop mal avec Pierre Camou [le président de la FFR]. Mais je vais vous raconter une anecdote. Pour le France-Galles de samedi, je n’ai reçu aucune place alors que j’aurai quand même cinq joueurs, payés par moi, sur la pelouse. Lors de France-Afrique du Sud, en novembre, je n’avais pas reçu d’invitation non plus. J’ai acheté mon ticket, me suis restauré à la baraque à frites, et me suis fait prendre en photo avec le public qui ne comprenait pas ce que je faisais là. Quand j’ai levé les yeux vers la tribune officielle, j’ai aperçu des inconnus invités par la FFR. J’en ai parlé à Pierre Camou : « Comment est-il possible que vous entreteniez des gens dont on ne sait pas d’où ils sortent et que vous ne donniez aucune place aux clubs ? » Je lui ai suggéré de donner d’office deux places aux dirigeants de club pour chaque match international. Il m’a répondu : « Mais deux, c’est trop ! » Pour eux, deux places, c’est trop. En revanche, pour nous, avoir des salaires non remboursés pour des joueurs qu’ils nous prennent, ce n’est pas beaucoup ! Comment voulez-vous que les clubs soient impliqués dans l’histoire du XV de France ? »

 

La FFR pourrait-elle décider de prendre une trentaine de joueurs sous contrat, comme en Irlande ?

« C’est en tous les cas l’idée du sélectionneur Philippe Saint-André. Et la création d’un championnat français de provinces n’est pas exclue. »

 

Ce serait une révolution…

« L’obstacle est culturel. La France du rugby est très attachée au Top 14 qui est le plus beau championnat du monde. Est-ce qu’il faut le tuer pour avantager l’équipe de France ? Je ne sais pas. Sincèrement, le Top 14 est très concurrentiel avec le XV de France. »

 

La FFR aurait-elle les moyens de salarier une trentaine de joueurs ?

« Le rugby français est régi par un système fédéral gargantuesque où il y a beaucoup d’argent. Des frais de déplacement somptuaires, par exemple. Pour coller, soi-disant, avec le standing d’une grande nation du rugby. Nous, quand on se déplace avec Toulon, on loge à l’Ibis. La FFR doit repenser son budget. Elle doit réduire son train de vie. Et dégager des priorités. »

 

Dès lors, comprenez-vous que la FFR veuille construire un stade dont le coût est estimé à 600 millions d’euros ?

« Je pense plutôt qu’il coûtera 1 milliard. Car il faut prévoir au moins 30 % de dépassement. Qui va prêter l’argent ? La Grèce ? Ça me paraît culotté. Je ne connais pas le dossier mais j’ai juste une réflexion de bons sens. Si les responsables du foot ne l’ont pas fait, vu le pognon qu’ils génèrent, c’est qu’il y a sûrement une raison… »

 

Paul Goze, président de la Ligue, évoque un retour à un championnat à 16 équipes, un Top 16, ce qui encombrerait davantage un calendrier déjà surchargé…

« Je suis plutôt favorable à un Top 12, pour libérer des dates pour l’organisation d’un championnat du monde des clubs, par exemple. Et voir un match entre le Stade Toulousain, vainqueur de la Coupe d’Europe, et les Waikato Chiefs, vainqueur du Super 15, plutôt qu’une affiche Toulouse-Trévise. Ou alors, on peut imaginer une formule où les quatre demi-finalistes de chaque compétition dispute un tournoi. Ce serait exceptionnel ! Le monde du rugby se demande depuis des années quel est le club le plus fort entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud. Et personne ne le sait ! C’est quand même un comble. »

 

Voila un interview très interessant qui ne manquera pas de relancer cet épineux dossier

 

 

 

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