Mourad Boudjellal propose des solutions pour l’arbitrage

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Mourad Boudjellal, quelle a été votre réaction au moment d’apprendre votre convocation devant la Commission de discipline de la LNR ?
Je ne serais pas sincère si je disais que j’ai été surpris. Je m’y attendais un peu. Quand j’ai tenu les propos que j’ai tenus dimanche, je savais très bien que je n’allais pas y échapper.

Vous avez émis mardi au micro d’Infosport+ l’hypothèse de ne pas vous y rendre si la date ne vous convenait pas. Pourriez-vous vraiment mettre cette menace à exécution ?
J’ai des obligations. On peut prendre rendez-vous avec la Commission de discipline, convenir d’une date et je viendrai. Mais moi, je réponds seulement aux convocations de la police. J’ai aussi une vie professionnelle et j’ai des obligations qui me font manger, ce qui n’est pas le cas du rugby. Il faut qu’ils intègrent ça, il faut qu’ils redescendent sur terre. Il n’y a pas de commission rogatoire. Le mot « convocation » est fort, prétentieux même. Il sous-entend qu’on a un pouvoir qui va au-delà de la vie personnelle et professionnelle des gens et les seules à l’avoir, ce sont les forces de police. Même moi en tant que patron, je ne me permets pas de l’employer. C’est la seule chose que je reproche. J’irai à la Commission de discipline avec plaisir, mais puisqu’ils défendent une forme de rugby qui n’est pas professionnel, il faut qu’ils intègrent qu’on a des obligations à côté.

Vous n’avez d’ailleurs cessé de mettre en cause l’amateurisme des arbitres…
L’absence d’erreurs est impossible, il y en aura toujours, mais je prône la création d’une cellule d’arbitres de haut niveau. Je ne dis pas qu’ils ne feront plus d’erreurs, mais ils en feront moins. C’est comme avec les joueurs, on prend des joueurs de haut niveau parce qu’ils font moins d’erreurs, même s’ils en font aussi malheureusement.

Quelles solutions préconisez-vous ?
Il est évident qu’il faut créer une cellule d’arbitres de haut niveau et il faut laisser la formation des arbitres du monde amateur à la Fédération. Il faut aussi créer un organisme indépendant de la Ligue et de la Fédération en charge du « gratin » de l’arbitrage, avec un système de rémunération beaucoup plus valorisant. Il y aurait aussi un système de bonus en fonction de notes sur les matchs, à la qualité de l’arbitrage ou encore à leur entretien physique, parce que ce sont des sportifs de haut niveau aujourd’hui selon moi. Ils ont les mêmes responsabilités de haut niveau que les joueurs. Toutes ces primes se rajouteraient à un salaire bien plus valorisant parce que c’est impératif si on veut attirer les meilleurs dans l’arbitrage.

L’argent est-il le seul remède aux problèmes de l’arbitrage français ?
Posons-nous la question. Pourquoi aucun joueur ne souhaite devenir arbitre ? Ils veulent devenir agent, consultant télé ou entraîneur, mais c’est assez rare qu’un joueur vous dise qu’il souhaite devenir arbitre. C’est un poste qui ne fait pas envie. Un arbitre passe des week-ends sans sa famille, va se faire insulter sur les stades et se prend accessoirement quelques volées comme celle que j’ai mises. Aujourd’hui, on a conçu le salaire de l’arbitre comme celui d’un videur de boîte de nuit. On leur dit : « On ne vous paye pas bien mais là où vous allez, vous avez le pouvoir et les gens vous respectent. » Aujourd’hui, on leur donne un salaire avec une dose de pouvoir. Non, il faut vraiment les payer et exiger en contrepartie une formation très pointue.

Seriez-vous prêt à travailler main dans la main avec la Ligue et la Fédération sur ce dossier ?
Je vais faire des propositions. Au-delà des mots que j’ai employés et de mes colères, j’ai quand même une idée bien précise. Ce n’est pas mon rôle, je le reconnais. Mais vu que ceux qui sont en place ne s’en occupent pas, il va bien falloir que ça se bouge. J’ai la faiblesse de penser que les arbitres n’ont de comptes à rendre à la Ligue ou à la Fédération mais aux clubs. Si nous ne faisons pas ce qu’il faut, j’ai l’impression que personne ne va le faire.

Pourquoi avoir utilisé des propos aussi virulents à l’encontre de l’arbitre de Clermont-Toulon, Christophe Berdos ?
S’il n’y avait pas de violence, ce serait encore un incident arbitral parmi tant d’autres. On va attendre jusqu’à quand ? Il y a des erreurs toutes les semaines et toutes les semaines des entraîneurs retiennent leurs mots. Il y a eu une répression très forte pendant un an, quasiment la moitié des entraîneurs du Top 14 était en tribunes au lieu d’être sur le banc. La Ligue a décidé d’appliquer la répression par rapport à ces problèmes plutôt que de s’attaquer au fond du problème. On a vu dans tous les Etats totalitaires que la répression ne fonctionnait jamais vraiment bien donc ce n’est peut-être pas la solution. Si je n’avais pas dit un truc qui sort du contexte, ça serait passé au milieu des autres. Jusqu’à quand allons-nous rester dans cette situation ? Jusqu’à ce qu’un entraîneur entre sur le terrain pour rouer de coups un arbitre ?

Vos mots en ont choqué certains, comme Pierre-Yves Revol, président de la Ligue Nationale de Rugby…
A part les vieux réactionnaires et ceux qui vont à l’Eglise pour se rapprocher de Dieu ou en vacances en Thaïlande pour se rapprocher des enfants de Dieu, je ne vois pas qui ça peut choquer.

Comment avez-vous accueilli les excuses de Christophe Berdos ?
Comme la réponse de quelqu’un d’honnête. J’ai trouvé que c’était tout à son honneur et que ça prouvait qu’il était honnête.

Avez-vous des regrets sur la forme de vos propos ?
On verra dans quelques années. Souvent, ce qui choque fait avancer. Si on décide demain matin de s’attaquer aux problèmes de l’arbitrage et si dans quelques années, on a réussi à créer un corps d’arbitres d’élite, on aura oublié la forme mais on sera content de ce qu’on a mis en place.

 

Source: rugby365.fr