L’émouvant portrait de L’Equipe sur Xavier Chiocci

chiocci

 

Le pilier des Bleus, fils de sourds-muets, est d’une grande timidité. Il s’ouvre pour la première fois sur sa vie, son enfance et ce rugby croisé par hasard.

« C’est Guilhem (Guirado) qui a repéré mes parents en tribune, pendant le tour d’honneur. Les voir là, heureux, une écharpe de l’équipe de France autour du cou… » Xavier Chiocci, calé, coincé même, dans un fauteuil du Sofitel Vieux-Port de Marseille, l’avoue :« Franchement, ça a été ma plus grande émotion pour cette première sélection. » Les émotions, souvent, toujours presque, il les conserve, enfouies dans sa barbe rousse.

Chiocci, qui nous a reçus hier matin, n’aime pas les interviews, « un moment très pénible qui me stresse». Voilà trois semaines, il avait accepté une rencontre à Toulon, avant de la reporter au dernier moment. Secoué lors d’une séance vidéo par Bernard Laporte – « j’avais pris une sacrée rafale » –, il était rentré chez ses parents, à La Valette, à quelques minutes de voiture du centre d’entraînement du RCT. « Dans ces cas-là, je ne parle à personne, je ne veux que rentrer chez moi ou chez mes parents. Je sais qu’ils ne vont pas m’embêter avec ça, ils ne sont pas rugby. »

Xavier, un vrai gentil selon ses coéquipiers, passe, aujourd’hui encore, beaucoup de temps avec ses parents. Sans parler. « Ils sont sourds et muets. Mon père, c’est de naissance. Ma mère, c’était plus tard, après une maladie ; je ne l’ai jamais connue parlant ». C’est la première fois que le pilier gauche des Bleus raconte son histoire publiquement. « Je n’ai pas honte, je ne me cache pas… Mais je suis très timide, surtout avec les médias. Cette timidité, je pense que c’est mon caractère ». Et pas son éducation, dans la maison de La Valette, qu’il évoque avec une grande douceur.

« J’ai appris la langue des signes, naturellement. Quand tu es petit, tu apprends vite à force de regarder les gestes. Pour moi, j’étais comme un enfant normal avec ses parents. Sauf qu’après j’ai été obligé d’aller chez une orthophoniste pour apprendre la langue française ». À ses côtés, Yoann et Priscilla, son frère et sa soeur aînés, l’entraînaient-ils à parler ? « Sans doute, mais je ne m’en souviens plus trop. »

Chiocchi se détend, un peu, glisse : « Je ne me posais pas de questions : c’était mes parents ; les autres discutent en parlant, chez nous, c’est avec les mains. » Comme samedi, au Vélodrome, après les succès sur les Fidji (40-15). « On s’est fait des coucous…On s’est fait trois signes, on a échangé. Avec mon père, on a des codes, des petits trucs à nous (il mime). Là, on s’est regardés, j’ai vu qu’il était super content. » Dans la semaine, Xavier avait demandé à ses parents s’ils voulaient venir. Le rugby, ils s’en fichent, mais ont dit O.K. « Ils regardent des matches parce que je joue. L’équipe de France, ça représente quelque chose pour eux, bien sûr. Mais je ne sais pas si ma famille peut réaliser, se mettre dans le contexte. Gagner la Coupe d’Europe ou le Top 14, ils doivent penser que c’est bien, mais bon… »

 

« À LA MAISON JE FAISAIS BEAUCOUP DE BÊTISES… J’ÉTAIS PÉNIBLE »

 

C’est sa mère, pourtant, qui l’inscrit au rugby. « Sans doute parce que j’étais gros. Et, à la maison, je faisais beaucoup de bêtises. On peut dire que je cassais les couilles… J’étais pénible, apparemment ». Le voilà au stade de La Valette, à dix ans. « J’ai aimé le rugby dès le premier entraînement. À la fin de la séance, il y a eu des un-contre-un dans le couloir des cinq mètres. Il y avait la star, enfin pas la star, mais un gamin qui jouait depuis l’âge de cinq ans. Il est tombé face à moi. Sur mon premier plaquage, j’ai eu une révélation ». Oui au rugby ! Mais pour s’amuser, jamais pour en vivre, rejoindre Toulon, les Bleus…

Plusieurs de ses partenaires au RCT expliquent que « Kéké » (son surnom) se considérerait comme un accident de l’histoire. « Moi, j’allais au rugby pour profiter des moments avec les collègues. Je m’entraînais, je faisais des tournois. Mais je n’allais pas voir de matches ; je n’en regardais pas à la télé, pas même l’équipe de France. Tenez, Serge Blanco est venu vers moi à Marcoussis. Il y a que… » Chiocci hésite, reprend : « Blanco, je sais qui c’est, maintenant. Jusqu’à l’âge de seize ans, je ne connaissais pas un nom de joueur… »

Car à dix-sept ans, même à des années-lumière d’un contrat pro, le Toulonnais a commencé à fréquenter les jeunes Bleus. Il y rencontre Romain Taofifenua. « On était aussi timides l’un que l’autre, on ne se parlait pas. On se regardait… » « Tao » confirme, précise : « C’est le premier à être venu vers moi. Depuis, on ne s’est plus trop lâchés. On est un peu pareils, timides et réservés, mais il est plus démonstratif. Cet été, il a facilité mon intégration au RCT. » Chiocci a montré « son » Var à son ami, loué un bateau direction Porquerolles. « Je voulais qu’il voit les paysages sur l’île. » Xavier, lui, replongeait dans ses dimanches d’enfance. « Mes parents ont un bateau. L’été, on faisait des sorties, avec le pique-nique. On partait tôt le matin, on rentrait tard le soir. On allait sur les îles, à Brégançon, sur les plages. On posait les affaires, on se baignait. Après, on mangeait, on parlait. C’était bien. »

 

  

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