Boudjellal décortique en détails et en chiffres le budget du RCT

Mourad Boudjellal

 

Le budget du RCT fait parler et fantasmer beaucoup grâce à l’équipe qu’arrive à aligner le club Varois

 

 

Interrogé par Midi Olympique, Mourad Boudjellal a tenu à tout expliquer en chiffre et en détail pour faire taire les mauvaises langues

 

 

Voici ce long entretien:

 

Le RCT s’est donc qualifié pour sa troisième finale de Top 14 d’affilée. Plusieurs de vos homologues ne comprennent pas, posent des réserves sur la situation financière du club. Accepteriez-vous d’en parler ?

« J’attends cela depuis plusieurs semaines, car je sais que Toulon suscite jalousies et interrogations. Contrairement à bon nombre de mes confrères, je suis certes un président bénévole mais bel et bien ,présent tous les jours au club. J’ai vendu les éditions Soleil pour me consacrer à 100% au rugby et au developpement du RCT. Allez, je suis d’accord pour vous révéler les dessous de mon économie. »

 

 

Quel sera le budget définitif du RC Toulon à l’issue de la saison ?

« Il dépend encore de quelques ajustements, en fonction de nos résultats lors des finales de Coupe d’Europe et de Top 14. Mais il sera supérieur à 30 millions d’euros »

 

 

Pouvez-vous nous le détailler ?

« Il se construit autour de deux grands foyers de recettes. La billetterie nous a rapportés cette année 10 millions d’euros ; l’autre grand pôle, c’est le partenariat privé (et je précise, privé) qui s’élève cette année à 11,2 millions d’euros. Ensuite, nous enregistrons 4,8 millions de recettes au niveau du marketing, c’est-à-dire l’ensemble des produits dérivés de la marque RCT, mais aussi des produits de la brasserie. Puis plusieurs petites autres sources de revenus comme 180 000 euros provenant de la FFR pour indemnités sur la libération des internationaux, 1 million d’euros venus de notre équipementier Burrda, 1,4 million en provenance des droits TV du Top 14, 891 000 euros de ceux de la Coupe d’Europe et 800 000 euros qui proviennent des remboursements des accidents du travail versés par la sécurité sociale et nos assurances privées, lorsque les joueurs sont arrêtés sur blessure. »

 

 

Dans vos recettes, vous comptez les remboursements de la sécurité sociale ?

« Forcément, si je paye très bien mes joueurs, quand ils sont blessés, ils touchent de grosses indemnités. La sécurité sociale nous reverse ce qu’elle doit jusqu’au plafond réglementaire (7 500 euros, N.D.L.R.). Au délà, ce sont nos assurances complémentaires privées qui règlent la note. »

 

 

Quid des subventions publiques ?

« Alors sur ce sujet, je tiens à rétablir la vérité et là aussi je vais jouer la transparence avec vous, même si j’aimerais bien que vous posiez ce genre de question à l’ensemble des clubs professionnels. La SASP du RCT a touché pour la saison 2013-2014, 2,9 millions d’euros de subventions dont seulement 70 000 euros de la région Paca, le reste venant du Conseil Général, de la communauté d’agglomération de Toulon, la TPM et de la mairie. Depuis plus d’un an, j’entends tout et n’importe quoi sur ce sujet, notamment la somme de 6 millions d’euros. Mais on parle d’argent public. Croyez-vous que l’état et les autorités fiscales accepteraient que des collectivités publiques nous subventionnent pour un montant supérieur à celui autorisé ? »

 

 

Le budget de Toulon sera-t-il à l’équilibre ?

« Nous sommes « contraints » de faire des bénéfices. Pour répondre aux exigences de la DNACG, nous devons passer nos fonds propres de 10 à 20 % de notre masse salariale. L’augmentation sera financée par les bénéfices de la saison. Si nous parvenons à réaliser le doublé, celui-ci sera supérieur à 1 million d’euros, en cas de double défaite il sera compris entre 300 000 et 400 000 euros. S’il n’y a qu’un titre, ce sera entre les deux. »

 

 

Quel est le montant de votre masse salariale ?

« Il est très exactement de 8,55 millions d’euros pour l’ensemble des joueurs »

 

 

Le RCT n’atteint pas la limite du salary cap fixé à 10 millions d’euros cette saison. On a du mal à y croire…

« Je travaille avec l’équipe administrative de la SASP pour ne pas atteindre le plafond. Pour cinq ou six joueurs, nous avons mis en place un dispositif tout à fait légal et pas du tout secret, qui nous permet de leur verser un complément de salaire qui n’entre pas dans le calcul de la masse salariale. Prenons l’exemple de la rétribution de Jonny Wilkinson. Il y a une part de son salaire, la plus importante, qui est prise en compte dans notre masse salariale. »

 

 

Et puis ?

« Nous avons créé avec Jonny Wilkinson, une société qui commercialise les produits de la marque 10. Cette société domiciliée en France, réalise un véritable chiffre d’affaires grâce aux casquettes, t-shirts, polos, etc. à l’effigie de Jonny. Vous savez, ce sont les produits où l’on distingue la silhouette de « Wilko » siglée du numéro 10. Est- ce que les bénéfices et droits à l’image payés à Jonny à ce titre sur ces produits doivent intervenir dans le calcul de son salaire de joueur ? Je ne le crois pas. Processus identique sur le droit à l’image que les joueurs touchent sur la marque RCT. Après, je tiens à préciser qu’il s’agit de compléments de salaire, de versements à 6 chiffres et pas à 7 comme j’ai pu le lire ici ou là. J’aimerais bien mais pour le moment, la marque RCT n’est pas capable de rétribuer ces collaborateurs à ce niveau. »

 

 

Concernant vos six gros joueurs, on comprend le fonctionnement. Mais comment arrivez-vous à payer tous ses internationaux que vous avez engagés ?

« Là aussi, de nombreux observateurs émettent des doutes.. Je sais qu’il y a beaucoup de fantasme autour de ça. Je prends des risques, c’est tout. Je vais vous expliquer mon dogme dans les affaires. Quand j’ai deux euros en banque, j’en dépense quatre pour en gagner huit, quand les autres vont en investir un et en épargner un. Croyez-moi, cela me cause quelques nuits blanches mais je suis persuadé que c’est comme cela que l’on réussit. D’ailleurs, l’an passé il était urgent que l’on décroche un titre pour assurer la santé financière du RCT. Les objectifs sportifs sont toujours en corrélation avec des objectifs financiers. En sport, l’un ne va pas sans l’autre. »

 

 

Pour vous, un club en bonne santé financière est donc d’abord un club qui gagne ?

« Oui, sans aucun doute. Tu peux mettre en place toute sorte de politique d’économie ou d’investissement, en sport professionnel, le premier résultat qui important c’est celui du week-end sur le rectangle vert. Il conditionne tous les autres. »

 

 

Payez-vous les joueurs, et notamment les internationaux étrangers, depuis des sociétés basées à l’étranger ?

« Non. C’est une autre contre-vérité qui circule. Je sais que l’on dit dans le milieu du rugby que je paye mes joueurs anglais depuis Jersey. Mais c’est faux et facile à vérifier. D’ailleurs, sachez qu’ à cause de ce genre de rumeur, j’ai été doublement contrôlé cette année par la DNACG et l’Urssaf. Le patron de la DNACG s’est déplacé en personne à Toulon durant deux jours et il n’a rien eu à dire sur notre gestion. Au contraire, je crois qu’il a été séduit, d’après ce qu’il nous a dit. Après, depuis 1987, pour l’ensemble de mes affaires et donc pour le RCT, je n’ai qu’une seule banque. Elle n’est basée ni en Suisse, ni dans un paradis fiscal mais boulevard de Strasbourg à Toulon. Il s’agit du CIC Société Lyonnaise de Banque. Encore un fantasme qui s’évapore. Je suis fidèle et le capital social de toutes mes sociétés est domicilié dans cette agence. »

 

 

Si l’on vous écoute, le RCT pourrait très bien vivre, économiquement parlant, sans Mourad Boudjellal ?

« Absolument. À mes débuts de président, il m’est arrivé de payer sur mes deniers personnels des joueurs. Mais je ne le fais plus aujourd’hui. Je ne place plus d’argent dans la SASP, et ce depuis plusieurs saisons. Je ne suis plus que caution personnelle pour la ligne de découvert autorisé de la SASP sur le compte principal. C’est tout. »

 

 

Quelle est la dernière fois où vous êtes intervenu personnellement, dans les finances du club ?

« Il y a trois ans, nous souhaitions libérer un gros joueur avec qui on était encore engagé contractuellement. Nous avions demandé de payer en trois fois ses indemnités, car elles étaient importantes et il avait accepté parce que je m’étais porté caution sur le versement. Mais depuis, non, le club va bien, se développe et s’autofinance. »

 

 

Comment faites-vous pour justement maintenir cette croissance ?

« D’abord, le club s’est énormément professionnalisé. Je suis souvent sur le devant de la scène mais derrière, j’ai une équipe d’une quarantaine de salariés qui se démène pour la bonne marche du club. À mon arrivée, il n’y avait que six personnes au sein de la structure. Là aussi, on s’est beaucoup développé et on continue. Nos bons résultats depuis deux ans nous ont permis d’accélérer. Qu’estce que vous croyez ? Le secret, c’est le travail. Nous avons quatre boutiques physiques, nous allons en ouvrir une cinquième en 2015 et une deuxième brasserie ouvrira bientôt ses portes, dans un centre commercial de La Valette. Nous aurons l’an prochain 150 points de vente en région PACA et nous venons de signer avec un distributeur pour que les produits RCT soient vendus partout en France. J’essaye simplement de monétiser le formidable engouement que suscite notre club. Et puis, je crois aussi que nous sommes assez agressifs au niveau commercial. Au rugby on a l’habitude de dire que la star c’est l’équipe. Pas chez nous. La star est allégorisée par les deux ou trois recrues de l’année, au RCT. Je construis alors l’image du club autour d’eux, avec un renouvellement incessant des produits. Au niveau commercial, le supporter qui a acheté des produits estampillés Tana Umaga ou Victor Matfield a aujourd’hui pris un coup de vieux. Il lui faut ceux de Jonny Wilkinson ou Bryan Habana. L’an prochain j’espère qu’il achètera ceux de Leigh Halfpenny. On fait du commerce, c’est tout »

 

 

Quels sont vos autres axes de développement ?

« J’en vois un: la possibilité d’organiser, dès l’an prochain et dans ce Vélodrome rénové pour l’Euro de foot, des matchs dans une enceinte ultramoderne et pouvant accueillir 68 000 spectateurs. »

 

 

Vous tournerez-vous donc uniquement vers Marseille, pour vos délocalisations ?

« Aujourd’hui, nous sommes en négociations avec Nice et Marseille. Tout est ouvert. Attention, je suis attaché à Toulon et à Mayol, mais trois ou quatre superbes affiches peuvent -et doivent, sur le plan financier- être organisées dans des grands stades. »

 

 

Malgré la clarté de vos explications, Toulon reste tout de même l’un des clubs les plus subventionnés du Top 14…

« Oui, mais le RCT contribue au rayonnement de la ville à travers la France et l’Europe. Que viennent chercher les partenaires qui nous soutiennent ? De la visibilité. Toulon, par ses résultats mais aussi à cause de mon tapage médiatique ou celui de Bernard Laporte, permet aux caméras d’être focalisées sur nous. Nous avons calculé que sur les six derniers mois, la ville de Toulon aurait dû débourser 18 millions d’euros pour obtenir la même visibilité médiatique. Je concluerai mon propos ainsi: je suis moins choqué par les subventions publiques allouées au RCT que par un club se faisant payer un stade avec de l’argent public, tout ça faire 6 000 personnes par week-end. Un champ et une barrière auraient suffi »

 

 

Une explication très interessante

 

 

 

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